ANALYSE DE L’EVENEMENT DU 14 SEPTEMBRE 2021 DANS LE GARD – Travailler le hors cadre en formation
Episode pluvieux du 14 septembre 2021 dans le Gard : réflexions pédagogiques sur cette crise « express »
L’épisode orageux du mardi 14 septembre dernier illustre une nouvelle fois que chaque situation de crise est unique. Il démontre aussi que la prévision météorologique reste incertaine tandis que se préparer au ‘pire’ n’est pas une chose facile dans la démarche de formation à la gestion de crise.
1. L’événement orageux du 14 septembre 2021
L’épisode a débuté entre 6h30 et 8h30 sur un secteur situé à l’ouest du département du Gard. A la limite du département de l’Hérault, entre Quissac, Corconne et Claret. Localement, il est tombé 98 mm de pluie en à peine 1h à Quissac (et 152 mm en 2h). Les communes environnantes sont impactées par cet épisode orageux qui s’avère être court mais peu mobile. Ce dernier engendre des inondations localisées, des routes fermées ainsi qu’une coulée de boue à Corconne.
Ensuite, les pluies se sont dirigées vers le sud-est pour s’intensifier sur l’axe Lunel-Nîmes entre 10h et 13h. La situation s’est rapidement dégradée à cause des orages stationnaires. Notamment sur une zone habituée aux inondations mais surprise par l’explosivité du phénomène. Ce territoire urbanisé se démarque par la présence de nombreux enjeux, d’autant plus situé sur un axe fortement fréquenté. Que ce soit sur les axes secondaires ou sur l’autoroute A9, qui plus est à une tranche horaire d’affluence.
Les cumuls relevés dans les communes du secteur sont très importants. Il est tombé 244 mm en 3h sur la commune de Saint-Dionisy. Ces précipitations ont battu le record sur ce laps de temps sur le département du Gard. Le précédent record sur le département était de 216 mm à Saint-Martial, en septembre 2020. Le record national se comptabilise sur Montpellier, avec 253 mm en 2014. D’autres communes situées dans la plaine de la Vaunage ont subi d’importantes inondations. Le cas peut être observé à Calvisson, Codognan, Aigues-Vives, Gallargues-le-Montueux, Uchaud, Bernis ou encore Vergèze.
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Focus sur la métropole de Nîmes
Les images fortes de cet événement sont prises sur la métropole nîmoise. Le site Keraunos recense pas moins de 2 215 éclairs sur Nîmes (22 792 à l’échelle du département) sur la journée. 1 774 éclairs uniquement le matin. En moyenne, cela fait 8 éclairs à la seconde ! Caissargues et Nîmes, arrosées par 197 et 122 mm. d’eau, ont entraîné des inondations sur les parties sud-ouest et sud. La route nationale 113 est fortement touchée jusqu’à la périphérie de Nîmes, notamment dans le quartier des 7 Collines. Couplé à l’orage, il faut également ajouter le vent. En centre-ville, de nombreux arbres sont arrachés et le vent souffle en rafale à 100 km/h.
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Les voies de communication impactées
La gestion de cet événement s’est avérée complexe. D’autant plus que de nombreux lieux stratégiques ont également été directement impactés par l’épisode. Le trafic ferroviaire s’est rapidement arrêté suite au blocage de certain trains sur des voies envahies par les eaux. Les deux gares de Nîmes se sont retrouvées isolées pendant que les transports en commun se sont stoppés. Au même moment, l’autoroute A9 se coupe dans les deux sens au niveau de Bernis. Au total, ce sont entre 3 000 et 4 000 usagers qui étaient bloqués entre Nîmes Ouest et Gallargues d’après VINCI Autoroutes, dont 30 personnes ont dû être hélitreuillées. Nul doute que les gestionnaires de crise ont dû repenser à l’exercice de crise réalisé en avril dernier qui s’est avéré être assez proche de l’événement du 14 septembre.
2. Un événement typique, bien connu, et qui pourtant a surpris
Une crise se déclare par un état dynamique où des changements rapides induisent des situations stressantes. Ce constat est valable autant pour les gestionnaires de crise que pour les acteurs de terrain et la population. Cet dans cet environnement perturbé et instable que les informations viennent à manquer. Il est alors essentiel d’organiser la réponse de secours et de sauvetage en coordonnant les acteurs de la crise.
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Contexte et chronologie
Mardi 14 Septembre, cette réponse de crise (qu’elle soit d’ordre stratégique ou opérationnelle) s’est d’abord heurtée à la soudaineté de l’événement. Un potentiel épisode orageux est bien évoqué la semaine précédent l’événement sur le secteur limitrophe ‘Gard/Hérault’. En revanche aucun modèle météorologique ne parvient à déterminer les cumuls de pluie estimés.
L’incertitude des modèles est certainement la raison qui a limité l’anticipation en terme de gestion de crise. Le département du Gard était en vigilance Jaune ‘orages’ l’après-midi du 13 septembre. Ce n’est que dans la nuit du 14 septembre qu’il a été placé en vigilance Orange par Météo France. La dégradation de la situation en matinée força la Préfecture du Gard a déclarer la vigilance rouge à 11h35. Et cette vigilance rouge restera active environ 3h pour finalement se lever à 14h08. Ce laps de temps est extrêmement court entre les différents niveaux de vigilance. Il traduit une gestion subie de l’événement et une prise de décision au coup par coup. Cette dernière avait pourtant un double-objectif clair. Il était ici question de :
- sauver les personnes en difficulté sur le territoire
- faire passer le message à la population d’éviter à tout prix de se déplacer et potentiellement se mettre en danger
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Un phénomène particulièrement localisé
Entre la cinétique très rapide de l’événement et le déferlement causé par l’intensité du phénomène, la stratégie employée prend tout son sens. Mais ce que l’on retiendra finalement est que l’épisode a surpris. Il a surpris par des caractéristiques typiques de ce qu’est une crise. Bien que celui-ci a eu lieu sur un territoire très souvent confronté au risque inondation. En s’attardant davantage sur l’aléa en lui-même, nous pouvons y détecter des écarts. Des écarts qui peuvent être significatifs et résulter de la différence entre la réalité et les représentations sociales.
Le Gard, comme ses voisins du pourtour méditerranéen, se confronte régulièrement aux inondations. Les plus marquantes s’associent à celles du Gardon ou du Vidourle, donc à des rivières majeures sur le territoire. Sur cet épisode, les pluies diluviennes se sont abattues de manière très localisées entraînant des inondations de deux sortes :
- Des ruissellements urbains transformant les centres historiques des communes en véritables torrents. Comme à Calvisson, Codognan ou encore Aigues-Vives.
- Des débordements très importants sur des cours d’eau plus restreints comme le Rhony ou le Vistre. Ou d’autres qui sont habituellement des ruisseaux, comme le Valat de Vallongue, au niveau de Bernis et de l’A9.
Ces différentes constatations nous incitent donc à méditer les approches à favoriser en matière de formation à la gestion de crise.
3. Entre les scénarios d’exercice de crise et se rapprocher de la réalité, il n’y a qu’un pas : à condition de revoir les objectifs des formations
Depuis 20 ans, les catastrophes naturelles ont doublé à cause du changement climatique d’après un rapport de l’ONU daté de 2020 (lien : https://www.undrr.org/publication/human-cost-disasters-overview-last-20-years-2000-2019 )
La fréquence et la récurrence de ces événements justifient plus que jamais de préparer les gestionnaires de crise. Notamment à travers des mises en situation variées. Les épisodes comme celui du 14 septembre dernier sont de plus en plus nombreux et de plus en plus intenses. Les records de cumuls de pluie battus pratiquement tous les ans en sont la preuve. Il est donc nécessaire de repenser les objectifs relatifs aux exercices de crise.
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Travailler le hors cadre et l’imprévisible
Les demandes les plus fréquemment formulées par les collectivités, responsables de sites industriels ou d’entreprises sont d’organiser des exercices pour permettre de valider l’opérationnalité de plans de gestion de crise et procédures (comme les Plans Communaux de Sauvegarde (PCS)). Il est difficile aujourd’hui de réaliser des exercices de crise où les décideurs souhaitent sortir de leurs schémas habituels. Travailler le hors cadre ou l’imprévisible inquiète également. Il laisse entrevoir le dépassement du dispositif ou l’ampleur des conséquences de l’événement. Au contraire, vouloir imaginer le pire scénario suscite aussi un sentiment de déni ou une illusion d’invulnérabilité chez certains gestionnaires de crise.
Enfin, sortir de sa zone de confort implique également une analyse plus profonde des processus en vigueur à l’échelle de l’organisation. Cette analyse peut mener à une remise en cause des stratégies et des outils employés à l’échelle de l’organisation en cas de crise. S’engager dans cette démarche s’avère être long et coûteux pour une organisation qui peut être confrontée à un manque de ressources. Elle implique donc un accompagnement sur le moyen terme entre les organisateurs d’exercices de crise et les gestionnaires de crise.
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Pourquoi se former ?
‘Faire face à l’imprévu’ est un des mots d’ordre de Patrick Lagadec depuis plusieurs années déjà. ‘Apprendre à être surpris’ aussi. En exercice, l’appréhension de situations de crise hors cadre doit ainsi se travailler en deux temps :
- En premier, il est nécessaire que les gestionnaires connaissent, s’approprient et savent utiliser les plans et procédures en vigueur à l’échelle de leur organisation. D’abord, cela leur permettra de développer un ensemble de réflexes, d’automatismes et de bonnes pratiques en cas de situation d’urgence.
- Ensuite, il est essentiel de réaliser des exercices qui vont finir par sortir du plan de gestion de crise (basculer directement hors plan pourrait être réalisé dans un troisième temps).
Mener des réflexions hors cadre et s’engager dans un processus de prise de décision créative peut s’expérimenter à un moment spécifique. Il peut, par exemple, apparaître suite à une situation catastrophique rencontrée. Mais cela peut aussi passer par la formation à la gestion de crise : couper les moyens de communication ou les réseaux, rendre indisponible les personnes clés d’une cellule de crise, faire en sorte que les locaux et outils habituels ne soient pas opérationnels, travailler davantage sur des scénarios multirisques et avec des effets dominos multiples, compresser le temps en gardant l’intensité d’événements précédemment rencontrés… bref, les approches sont nombreuses. Les intégrer dans les plans de formation est d’ailleurs une nécessité pour que les exercices de crise se rapprochent davantage de la réalité.
4. Conclusions et perspectives
Travailler et réfléchir ‘hors cadre’ peut inquiéter au premier abord, mais en comprenant l’étendue de sa portée c’est la préparation à la gestion de crise qui change de dimension. Une cellule de crise reste une organisation éphémère, qui s’active et se ferme au rythme des crises : l’entraînement des gestionnaires de crise implique la réalisation d’exercices à la fois robustes et variés pour s’adapter à la diversité des situations de crise rencontrées.
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