COMMENT PLANIFIER L’EVACUATION DES POPULATIONS LORS D’UNE ALERTE TSUNAMI ?

La gestion du risque tsunami dans l’arc méditerranéen français

Auteurs : Loïc Viala* et Thomas Candela **

*Stagiaire chez RisCrises et étudiant en Master 2 Gestion des Catastrophes et des Risques Naturels (GCRN) – Université Paul-Valéry, Montpellier 3, ** Responsable chez RisCrises 

Mots clefs : Tsunami, Méditerranée, Collectivités territoriales, Plan d’évacuation, Risque Majeur, Maire, Plan InterCommunal de Sauvegarde (PICS), Plan Communal de Sauvegarde (PCS), Évacuation massive.

 


 

Introduction

Depuis près de cinquante ans, le littoral méditerranéen et son urbanisation massive figurent au rang des questions majeures en matière de gestion des risques. Ces territoires, fortement régis par des questions d’ordre économiques et environnementales, représentent des espaces d’interface exposés à de nombreux risques naturels.  Les inondations, les tempêtes et les phénomènes de submersion marine sont, entre autres, des aléas particulièrement bien connus. Parmi les risques majeurs figure également le risque tsunami. Ce dernier plus méconnu, ou moins pris en compte du fait de sa faible occurrence, concerne pourtant l’ensemble de l’arc méditerranéen. Bien moins fréquent que dans l’océan Indien et Pacifique, le tsunami n’est pas impossible en Méditerranée comme en témoignent les événements passés. Ainsi, les côtes de 188 communes de l’arc méditerranéen français, réparties sur 9 départements sont susceptibles d’être touchées par un tsunami.

 


1. Le risque tsunami en Méditerranée 

Mais qu’est-ce exactement qu’un tsunami ? Ce phénomène, dont les origines sont géodynamiques, se caractérise par une  élévation du niveau  de  la  mer pouvant entraîner d’importants dommages sur le territoire. L’événement déclencheur le plus commun est le séisme sous-marin qui se déclare au niveau des failles de subduction, bien que d’autres phénomènes, comme les éruptions volcaniques,  les  glissements  de  terrain  ou, plus  rare,  un  impact  de météorite,  puissent également en être la cause. Une fois déclenchée, la vague se déplace selon une période et une longueur d’onde qui lui sont propres jusqu’à atteindre le littoral et inonder les côtes à une hauteur maximale de déferlement appelée “run-up”. En Méditerranée,  la zone soumise à l’aléa a été identifiée dans les secteurs inférieurs à 5 m d’altitude, dans la bande des 200m à partir du trait-de-côte et dans la bande des 500 m à la périphérie d’une embouchure.

Figure 1. Les différentes zones du risque tsunami (Conception : RisCrises, 2021)

La faible occurrence des phénomènes déclencheurs (séisme, glissement sous marins, éruption volcanique, etc.) est la principale cause de la méconnaissance du risque tsunami sur la bande côtière méditerranéenne. Tant que le territoire auquel il appartient n’a pas été impacté et n’a pas subi de dommages significatifs, l’homme aura tendance à sous-évaluer le risque. Sur le terrain cela se traduit par une faible prise de conscience de ce phénomène par les populations, les autorités locales et finalement par une faible intégration des tsunamis dans les processus de gestion des risques. Pourtant les exemples d’événements survenus à l’étranger ne manquent pas afin d’initier une réflexion nationale. Sumatra (Indonésie) en 2004, Fukushima (Japon) en 2011 ou encore Palu (Turquie) en 2018 sont des événements particulièrement marquants dans l’histoire du risque tsunami. A l’échelle de la Méditerranée, les territoires ne sont pas épargnés. Plus particulièrement en Méditerranée orientale, au niveau des zones de subductions grecques et italiennes (Roger, 2011) où l’on recense 15% des tsunamis mondiaux (Boschetti, 2020). En ce qui concerne l’arc méditerranéen français, toutes les communes littorales sont susceptibles d’être confrontées à un tsunami (cf figure 3). Sur ces territoires, un tsunami engendrerait une déstabilisation majeure accentuée par le faible niveau de préparation et la concentration importante d’enjeux sensibles accueillant du public, installations critiques ou infrastructures à forte valeur économique situées en zone d’expansion de l’aléa. D’autant plus que ces territoires développent une importante activité touristique lors des périodes estivales avec pour effet d’augmenter les populations exposées. 

 

Figure 2. Exposition des infrastructures critiques ou sensibles à l’échelle de la Méditerranée française. (Conception : M. Germain, Université Paul Valéry, RisCrises, 2021)

 

 


2. Les conséquences territoriales et la gestion des risques

Fortement régies par des questions d’ordre économique et environnemental, les communes littorales représentent des espaces d’interface exposées à de nombreux risques naturels. Un tsunami pourrait avoir des conséquences importantes sur un espace. Par exemple, les bâtiments et les réseaux situés en zone à risque seraient endommagés. Outre les dégâts matériels, des pertes humaines pourraient être constatées, aggravant de fait l’impact de l’événement. En plus de ces effets directs, d’autres éléments viendraient perturber le territoire comme la perte d’accessibilité, les dommages aux infrastructures critiques et la perte de communication. Les conséquences directes ont de forts potentiels dommageables indirects (Leone, 2007) qui se mesurent bien souvent après l’événement. Fukushima (Japon) en 2011, Irma (Caraïbes) en 2017, Lisbonne (Portugal) en 1755 sont des événements aux conséquences directes importantes ayant eu des effets indirects particulièrement dommageables.

Figure 3. Echelle de gestion du risque tsunami (Conception : RisCrises, 2021)

 

De manière à estimer, se préparer à ces événements et anticiper leurs conséquences, les collectivités se dotent d’un Plan Communal de Sauvegarde (PCS). Cet outil, à portée opérationnelle, est nécessaire pour la planification locale des moyens de réponse et de sauvegarde en cas d’événements majeurs. Dans le cas d’un tsunami, ce dernier doit pouvoir cadrer les actions d’urgence comme l’évacuation. Ce faisant, il doit prendre en compte les particularités des territoires. Certaines communes sont enclavées et devront faire preuve d’une plus grande anticipation en matière d’évacuation. D’autres sont traversées par des axes routiers fortement fréquentés et pourront avoir un nombre important de sinistrés de la route à accueillir dans leurs sites refuges. 

La mise en place d’une organisation de gestion d’un événement de sécurité civile n’est pas une fin en soi. Elle doit s’intégrer dans une démarche globale de gestion des risques en considérant les risques connexes. Un phénomène localisé peut être dévastateur et engendrer un dysfonctionnement territorial particulièrement dommageable. La gestion opérationnelle prend tout son sens lorsqu’elle identifie les bâtiments en zone à risque, leurs usages et leurs interdépendances (dépendances fonctionnelles) ; les actions à mener sur le réseau routier, les itinéraires d’évacuation et la mise à disposition de sites refuges temporaires et permanents. La résilience s’incarne donc par la propension d’une commune à comprendre, connaître et anticiper les risques auxquels elle est exposée en amont.

 

 


3. Les moyens de prévention et de gestion

Depuis octobre 2020, l’intégration du risque tsunami dans les PCS et la gestion des risques plus largement fait l’objet d’une demande Préfectorale de la zone Sud. Pour répondre à cette attente, RisCrises accompagne l’autorité responsable du PCS dans l’élaboration d’un plan intégré de gestion multirisque à l’échelle communale. Notre expertise s’appuie sur les travaux de recherches du Laboratoire de Géographie et d’Aménagement de Montpellier 3, université Paul-Valéry (LAGAM : https://lagam.xyz/), et plus particulièrement sur l’aboutissement du projet EXPLOIT (https://exploit.univ-montp3.fr/) et de l’avancement du projet TASOMA (https://gred.ird.fr/programmes-de-recherche/autres-projets/tasoma). Ce dernier, bien connu des territoires de l’arc antillais (Martinique, Guadeloupe, Sainte-Lucie, Saint-Barthélemy, etc.), intègre une méthodologie, des critères, des supports et des visuels qui ont été implantés, testés et valorisés sur ces territoires (déjà touchés ou non par un tsunami).  Cette méthode a été intégrée dans nos solutions et a été adaptée aux contextes méditerranéens et métropolitains. Elle fournit aux collectivités littorales de nouveaux outils opérationnels, intégrés à leur fonctionnement et leurs spécificités territoriales. Elle donne également les connaissances nécessaires au développement d’une bonne culture du risque auprès des acteurs institutionnels et des populations exposées.

En plus de cette méthodologie, il est important d’intégrer des réflexions conjointes entre les décideurs d’une commune et le bureau d’étude. Ce travail de concertation permet deux choses :

adapter des savoirs locaux à des méthodes d’analyse et d’expertise afin de promouvoir l’investissement des élus dans leur stratégie de gestion des risques et des crises ;  mettre en place des plans d’actions spécifiques et adaptés aux territoires.

Comprendre les problématiques locales est un premier pas vers l’adaptation au risque tsunami.  Ce travail permet ainsi de quantifier la vulnérabilité d’un territoire, notamment par la prise en compte de l’étendue de la zone à évacuer, des enjeux (population, population touristique, bâtiments, établissements scolaires, hébergements, plages, axes de circulation, ICPE, etc.),  des dommages potentiels et leurs éventuels effets indirects (identifier les infrastructures critiques en zone à risque, identification des interdépendances territoriales). Cette quantification aboutit à l’élaboration d’outils opérationnels et plus particulièrement au développement de supports cartographiques appuyant la planification à l’évacuation tsunami (calculs d’itinéraires d’évacuation optimisés). Ces solutions cartographiques représentent un élément essentiel dans l’élaboration de la prestation.

 

Figure 4. Exemple d’un plan d’évacuation tsunami d’une commune de la région PACA (Conception : RisCrises, 2021)

Toutefois, cette résilience territoriale doit prendre en compte la population. De fait, il est important d’accompagner les collectivités dans les démarches de sensibilisation et de communication des personnes qui résident de manière permanente ou non sur leur administration. RisCrises développe ses solutions en ayant conscience de plusieurs faits  : les populations résidentes sont peu sensibilisées à ce risque ; les communes littorales accueillent un nombre important de touristes pendant la période estivale et ces derniers sont potentiellement moins sensibilisés au risque et ont plus faible connaissance du territoire communal. La prise en compte de ces facteurs humains se concrétise par la mise en place sur le terrain, d’un balisage (normes ISO 20712, enrichis par les normes 7010) permettant l’évacuation des populations. L’intégration de ce balisage au sein du paysage, représente un moyen de prévention efficace tant pour les populations locales que passagères (Péroche, 2016). Il participe au maintien d’un niveau de conscience et de préparation du risque de tsunami (Scheer et al., 2011). Il permet d’identifier la zone à évacuer et le cheminement d’évacuation guidant les populations vers les sites refuges les plus proches, eux même identifiés par un panneau.

 

Figure 5. Comment développer une culture du risque ? (Conception : RisCrises, 2021)

 

En plus de ses aspects informatifs et sensibilisants, le balisage  est donc essentiel  dans le cadre du risque tsunami. En effet et contrairement à certains risques, l’évacuation horizontale semble être la seule parade. Dans ce contexte, il est donc difficile d’improviser une évacuation de masse. Guider les populations d’une zone à évacuer vers un site refuge grâce à des itinéraires optimisés prend tout son sens lorsqu’elle est accompagnée d’une signalétique sur le terrain. De plus,  la visualisation sur le  territoire des panneaux valorise et crédibilise la démarche entamée par la ville. 

 

Figure 6. Balisage sur le terrain d’un itinéraire d’évacuation tsunami (Crédits photo : T. Candela, 2018)

Ainsi, la planification des évacuations s’intègre dans une démarche globale d’atténuation des conséquences du risque tsunami, et vers une ville plus résiliente. En plus de cette visibilité sur le terrain, le risque tsunami et la planification qui lui est associée doivent être intégrés dans le Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM) et dans des documents d’informations en langues étrangères (anglais, espagnol, italien, etc.). Il doit être associé dans les fiches scénarios, et les fiches actions (avant, pendant & après) des PCS, intégrant un nouveau volet “tsunami” à ce document opérationnel. Pour finir, ce dispositif doit faire l’objet d’exercices de crise cadre ou terrain afin d’être validé et  intégré par la cellule de crise communale et ses différents membres.

 

 


4. Conclusion & perspectives

La gestion de l’aléa tsunami sur les côtes Méditerranéennes est un enjeu de taille.  Ce risque est bien connu à l’échelle mondiale, notamment par ses conséquences désastreuses qui sont à l’origine de nombreux dysfonctionnements directs et indirects importants sur les territoires littoraux.  En France, bien que l’occurrence d’un tel risque soit plus faible, sa prise en compte et sa planification opérationnelle n’en restent pas moins nécessaires. De fait, cette méconnaissance du risque, aussi bien de la part des élus que de la population, participe aux conséquences dommageables que pourraient subir les collectivités littorales de l’arc Méditerranéen. A l’heure actuelle, très peu de communes ont intégré des moyens de prévention et d’évacuation en cas de tsunami. Pourtant ces derniers sont essentiels, tout comme la mise en place d’exercices spécifiques à ce risque et dont toute la subtilité réside dans son approche systématique.

Face à ces besoins, nous mettons en place des solutions adaptées, concertées et opérationnelles qui permettent aux acteurs locaux et à la population d’être mieux préparer. Du diagnostic territorial, au plan d’évacuation et à l’accompagnement aux stratégies de communication, nos solutions s’appuient sur des savoirs techniques et scientifiques déjà éprouvés et un travail de concertation collective avec les différentes parties prenantes.

Tout comme pour le risque inondation, la mutualisation des moyens à une échelle supra communale semble être une perspective intéressante pour les communes qui cherchent à s’émanciper des répercussions directes et indirectes d’un tsunami et bénéficier des moyens humains, matériels et logistiques qui leur font défaut. Cette démarche a d’ores et déjà été amorcée avec la création en 2004 des PICS (Plan Intercommunal de Sauvegarde, .cf. article Le plan intercommunal de sauvegarde (PICS) : outils, méthodes et modes de gouvernance). 

 

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Bibliographie

Boschetti, L. (2020). Le risque de tsunami dans les Alpes-Maritimes, quelles réalités ? Quelles méthodes d’analyses de l’aléa et de la vulnérabilité?

Leone, F. (2007). Caractérisation des vulnérabilités aux catastrophes » naturelles » : Contribution à une évaluation géographique multirisque (mouvements de terrain, séismes, tsunamis, éruptions volcaniques, cyclones).

Péroche, M. (2016). La gestion de crise tsunami dans la Caraïbe : Contribution géographique aux dispositifs d’alerte et d’évacuation des populations [These de doctorat, Montpellier 3]. https://www.theses.fr/2016MON30042

Roger, J. (2011). Tsunamis générés par des séismes au niveau de la zone de collision entre les plaques africaine et eurasienne : Etudes de cas pour l’évaluation du risque tsunami en Méditerranée occidentale et Atlantique nord.

Scheer, S., Gardi, A., Guillande, R., Eftichidis, G., Varela, V., de Vanssay, B., & Colbeau-Justin, L. (2011). Handbook of Tsunami evacuation planning. Luxembourg City, Luxembourg: Publications Office of the European Union.