LES PCS, INNOVER VERS PLUS D’OPÉRATIONNALITÉ
Thomas Candela*, Hoilid Lamssalak**
*M2 GCRN, ** RisCrises
Les PCS (Plans Communaux de Sauvegarde) se développent en France depuis une dizaine d’années et ne cessent d’alimenter les débats sur la gestion de crise à l’échelle infra-départementale. Aux yeux de certains élus, le rôle des PCS n’est pas encore bien défini, de plus mettons en avant qu’en 2015, c’est 8021 communes sur les 11 866 concernées qui ont adopté ces plans sur leurs territoires. Qu’en est-il de leur efficacité ?
1 Développer des outils de compréhension & d’interaction
Un bilan mitigé et des questions qui se posent non pas sur le but du PCS mais plutôt sur l’efficacité de ce dernier dans l’instant de la crise. Document qui peut être mal vu, mal interprété, parfois mal conçu et qui peut donc refléter l’inverse de ce qu’il représente et de ce qu’il peut apporter.
LES PCS SONT DES OUTILS FONDAMENTAUX DE LA GESTION DE CRISE A L’ECHELON COMMUNAL. DES “OUTILS MANAGERIAUX” DONT LA FINALITE N’EST PAS CELLE DU SEUL TEXTE REGLEMENTAIRE
François Giannoccaro, 2015
Il est donc nécessaire de se tourner vers des solutions mettant en avant et développant des documents qui vont jouer un rôle plus poussé. Des « innovations » qui passent par le biais de plusieurs vecteurs.
Une réponse opérationnelle est assimilée à l’exécution des opérations d’alertes, d’hébergements, etc. afin de faire face rapidement à un événement catastrophique. Des situations peuvent empirer si la cindynique n’est pas prise en compte dans sa globalité.
Améliorer l’outil, c’est le prendre sous plusieurs échelles et apporter les éléments pour chacun de ces niveaux. Dans son ensemble, le PCS doit prendre en compte les vulnérabilités et donc les enjeux sur le territoire de la commune.
Hors, il semble que les actions transcrites ne sont souvent que le fruit d’une automatisation des tâches à accomplir et le produit d’une standardisation des éléments de la gestion de crise.
1.1 Les spécificités locales, de la concertation à l’adaptation
Il est important de bien prendre en compte les spécificités locales afin de mieux adapter et coordonner les actions sur le terrain puis au sein de la cellule de crise. N’oublions pas que les principaux acteurs sont alors responsables et deviennent les premiers maillons de cette gestion.
Le maître mot devient alors « concertation ». Il est essentiel de revenir sur cette notion qui doit prévaloir sur la création d’un PCS.
Lorsqu’un outil de ce type doit être établi sur une commune, il doit se faire en concertation avec les élus et surtout avec les personnes ressources du village : La mémoire collective de la commune.
De ce terme ressort donc deux actions à mener en amont et à réfléchir.
- Les élus doivent être sensibilisés afin d’apporter leurs connaissances tout au long de la création du document et surtout ne pas se sentir inaptes à donner de l’information face aux experts qui viennent rédiger le document. Des réunions, des points de situation et surtout l’acquisition d’habitudes sont indispensables afin de créer un mode opératoire qui soit en harmonie avec les mécanismes locaux. Un engagement du comité de pilotage pourrait éventuellement se traduire par la rédaction d’une politique de sauvegarde transmise à la population.
- Le recensement prévu ne doit pas être pris à la légère. Il apporte des informations utiles et doit aller bien plus loin que la liste des personnes vulnérables. Il permet à la fois de déterminer les vulnérabilités humaines et structurelles mais aussi les moyens humains, techniques et matériels qui peuvent être mis à disposition. Pourtant, son rôle peut être élargi. Le recensement s’il suit une méthodologie ainsi qu’une volonté d’information et d’analyse, il peut être utilisé afin de recueillir des données utiles.
Adapté à la population, il permet avec la méthode dite « cartographie participative » de faire intervenir des personnes ressources, d’aider à la visualisation de l’aléa sur certaines zones et de comprendre les comportements de la population face aux risques.
1.2 L’outil cartographique, entre interaction et innovation
Si la gestion de crise se veut managériale, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un processus d’opération à mener sur un territoire, des opérations établies en fonction des éléments qui vont survenir. Il devient alors intéressant de développer les outils cartographiques afin d’avoir une vision quasi en temps réel des événements qui se trament. Que ce soit l’analyse de l’aléa, des effets sur les dispositifs, des impacts sur les enjeux (habitations, réseaux, économie) ou bien encore faire le point sur ce qui est possible et ce qui est effectué sur le terrain.
Un outil qui doit être adapté et personnalisé par le producteur de la carte afin de s’adapter au mieux aux connaissances des membres de la cellule de crise.
« Interactives et non contemplative »
Il faut cependant rester vigilant quand on parle de représentation cartographique, notamment pour des objectifs de gestion de crise. Il ne faut pas oublier le but premier de ces cartes, qu’elles soient interactives et non contemplative. Il ne faut pas rechercher l’information, les minutes sont précieuses et les actions à mener doivent être rapides. On parle donc de l’importance qui est faite à la mise en place des éléments sur la carte. Elle ne doit pas devenir un « fourre-tout ». Plusieurs voies se dessinent alors.
L’outil devient alors essentiellement interactif, pouvant mêler plusieurs procédés visuels sur des échelles variables. L’utilisation des calques devient ainsi une possibilité à développer. À l’allure des créations cartographiques, le principe permet l’accumulation des données et leur retrait en fonction des besoins de l’utilisateur. Un exemple parmi tant d’autre sur les possibilités qu’offre l’outil cartographique dans la gestion des risques et des crises.
Les événements récents démontrent bien trop souvent la limite des connaissances face aux aléas, notamment sur la qualité des bâtiments qui sont largement sous-estimées par les ingénieurs (P. Rosset, C. Bonjour & M. Wyss, 2011). Le séisme d’Haïti démontre le réel besoin d’intégrer dans la gestion de crise des outils permettant de calculer les pertes humaines et physiques. Des informations précieuses qui permettent d’optimiser la réactivité des secours sur les zones d’intervention. QLARM, est un outil adapté pour sensibiliser les autorités locales au risque sismique via la production de scénarios multiscalaires. L’interface cartographique de l’outil permet ainsi une représentation des pertes et donc d’anticiper d’éventuels événements à venir afin de réduire l’ampleur de la catastrophe.
Développer des outils cartographiques, sous différentes formes, à différents buts, semble nécessaire dans l’élaboration et le fonctionnement des PCS. La difficulté réside dans leur mise en place, souvent relative à des compétitions (acteurs, bureaux d’études, organismes et associations), par manque de moyen ou tout simplement, par manque de connaissance.
2 Une vision globale… « Multirisques »
Le terme « résilience » repris de la physique est la capacité d’un matériau à absorber de l’énergie quand il se déforme sous l’effet d’un choc (déformation rapide) (définition Wikipédia). Cette résilience varie selon l’environnement qui l’entoure ou les différents paramètres impulsés.
Il en est de même pour la gestion des risques dont la capacité de résilience évolue en fonction de paramètres complexes, directs et indirects, localisés et globaux.
Le schéma ci-dessus nous illustre de manière simplifiée comment les actions entreprises peuvent influer directement sur la gravité du risque.
Durant l’événement, l’augmentation ou la diminution du risque (et des conséquences) est directement liée à des actions réalisées, anticipées, en cours ou à venir qui engendreront des effets positifs, négatifs ou mêmes variables.
2.1 Une analyse approfondie
« Ce qui ne peut pas être mesuré, ne peut pas être géré » Patrick Jaulent
Se doter d’un plan qui se focalise sur l’aléa paraît être une première étape primordiale mais pas suffisante.
En effet, se contenter aujourd’hui de penser que le risque inondation n’engendrera aucune autre conséquence que celles directement liées à l’eau est une erreur fondamentale. Nous vivons dans un monde interconnecté et dépendant où une cause crée différentes conséquences.
Chacune des conséquences se transforme alors en un nouveau risque à prendre en compte :
L’effet domino :
Lorsque les effets de ce premier phénomène sont capables de générer un second accident et que les effets sont plus « graves » que ceux de l’accident initial on parle “d’effet papillon” (Edward N.Lorentz, 1972) mais plus connu sous le terme “Effets dominos” dans le monde industriel.
Pourquoi ne pas utiliser les méthodes d’analyses approfondies du risque, utilisées en entreprise ?
Les Analyses a priori, de type « APR » « AMDEC» ou encore « HAZOP » reprendront en compte les effets supposés, mais aussi les effets connus grâce aux Retours d’EXpériences (RETEX).
De plus, prenons l’exemple d’une méthodologie utilisée en risques professionnels « Les 9 principes généraux de prévention », les démarches ci-dessous peuvent être alors adaptées aux risques majeurs.
« Une démarche de prévention des risques majeurs se construit en impliquant tous les acteurs concernés et en tenant compte des spécificités de la commune (taille, moyens mobilisables, organisation, sous-traitance, coopération intercommunale, implantation géographique multiple, présence de tiers externes comme du public…). »Source de l’INRS adaptée aux risques majeurs
- Éviter les risques, c’est supprimer le danger ou l’exposition au danger.
- Évaluer les risques, c’est apprécier l’exposition au danger et l’importance du risque afin de prioriser les actions de prévention à mener.
- Combattre les risques à la source, c’est intégrer la prévention le plus en amont possible, notamment dès la conception des nouvelles zones urbaines, des équipements ou des modes opératoires.
- Adapter la commune aux aléas, en tenant compte des différences intersectorielles (en prenant en compte les mesures de l’Analyse Coût Bénéfice), dans le but de réduire les effets de site (structurel, humain et socio-économique) sur la commune.
- Tenir compte de l’évolution de la technique, c’est adapter la prévention aux évolutions techniques et organisationnelles.
- Remplacer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins, c’est éviter l’utilisation de procédés architecturaux par exemple, lorsqu’un même résultat peut être obtenu avec une méthode présentant des dangers moindres.
- Planifier la prévention en intégrant la technique, l’organisation, les relations sociales et l’environnement.
- Donner la priorité aux mesures de protection collective (Zone coupe feux, bassin de rétention …) et n’utiliser les équipements de protection individuelle (batardeaux..) qu’en complément des protections collectives si elles se révèlent insuffisantes.
- Donner les instructions appropriées aux citoyens, c’est former et informer ces derniers afin qu’ils connaissent les risques et les mesures de prévention.
Harmoniser et concerter l’ensemble des méthodes de gestion des risques (à l’image de la Norme ISO 31000) et des acteurs concernés par la cindynique autour d’une table reste encore difficile à l’heure actuelle, tant les enjeux que les motivations sont divers, mais ce serait une avancée importante dans l’élaboration des PCS et pour la gestion des risques dans sa globalité.
Quelles vulnérabilités prendre en compte ?
Les Vulnérabilités Humaines sont régulièrement prises en compte, encore faut-il, une fois de plus, aller au bout de l’analyse et ne pas s’arrêter au premier « degré » de vulnérabilité (Age, Mobilité, Santé,…). La vulnérabilité de l’humain se trouve aussi dans l’environnement qui l’entoure et auquel il dépend. On le sait vulnérabilités structurelles et humaine vont souvent de pairs car le premier peut largement influer sur le second. Un résultat qui se base cependant sur une vision limitée au bâtiment. Il faut alors ne pas prendre en compte l’action des vulnérabilités structurelles qui peuvent avoir un impact social et économique.
Le Plan Communal de Sauvegarde peut gagner en efficacité en prenant en compte l’ensemble des Vulnérabilités (structurelle, urbaines, de réseaux, etc.) afin de développer une gestion prônant une vision globale afin de mieux anticiper.
Mieux comprendre les comportements : Intégration d’une dynamique de la panique dans le PCS
Des modèles ont été effectués afin d’anticiper les mouvements de populations. Ils permettent aux décideurs de prévoir en fonction de la configuration des lieux un éventuel effet de panique et d’orienter les flux par le biais d’une organisation raisonnée.
Ces modèles peuvent être utiles concernant le nombre et le cheminement des personnes à mettre en sécurité (Submersion marine, Inondation rapide, Incendie de forêt, etc.) et augmenter le côté opérationnel des PCS.
2.2 Relation entre les différents plans
« Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin
Si l’on adopte une approche transversale, on peut se rendre compte qu’il existe autant de plans de gestion d’un événement que de types de structures (PPMS, PCA, POI, VIGIPIRATE, …)
- Cependant même si souvent le risque est commun, sont-ils réellement liés entre eux ? A l’échelle communale le PCS ne peut-il pas tenir le rôle de « coordinateur » ?
Combien de PCS prennent en compte les PCA des différentes entreprises du secteur ? Combien d’écoles sont prêtes à déclencher le PPMS sur demande du Maire « DOS » ?
L’idée ici n’est pas de créer un plan commun, mais bien d’instaurer une Synergie de ces différents outils du point de vue des objectifs à atteindre, mais aussi du point de vue des moyens mis en place depuis la prévention jusqu’à la gestion du risque.
3 « User centricity » & « Crowd sourcing »
L’information sature le monde d’aujourd’hui. Un constat qui se fixe sur le développement incessant des nouveaux outils de communication. La diffusion rapide passe notamment par des plateformes publiques telles que « Facebook, Twitter, etc. » et engendre une multitude d’informations utiles à la gestion de crise. Cependant, il faut se méfier de cet afflux d’information qui peut se révéler néfaste s’il est mal géré ou que l’information recueillie est erronée.
De plus en plus de personnes et d’acteurs participent ainsi directement à la communication de crise (Dunn. M & Giroux. J, 2012). Ainsi, photos, commentaires sont autant de données recueillies qui peuvent servir à élaborer des cartes interactives d’une importante utilité pour les secours sur le terrain. Du volontariat qui passe par les crysis mapping, aux victimes témoignant de leurs situations, s’ouvre une nouvelle dimension qui influence la gestion de crise.
Les supports numériques sont alors des interfaces idéales pour gérer la crise en temps réel. Pourtant bien trop de complexités résident encore dans l’utilisation de ces plateformes.
L’utilisation des services de « VISOV : Volontaires Internationaux en Soutien Opérationnel Virtuel » via les « MSGU : Médias Sociaux pour la Gestion de l’urgence » permet, grâce à des volontaires « sentinelles » du numérique de réaliser un tri utile et nécessaire de cette information.
De plus, il paraît essentiel de développer une plateforme officielle dédiée aux partages d’informations liées aux risques, celle-ci devrait être fiable et attractive pour l’ensemble des potentiels utilisateurs. Une première étape a récemment été engagé par les services de l’Etat avec un outil d’application mobile « SAIP : Système d’alerte et d’information des populations ».
L’évolution rapide du « crowdsourcing » permet ainsi de déléguer les tâches qui pourraient être réalisées par des entreprises publiques ou privées. Utilisée à bon escient, c’est une source de donnée pratique qui permet d’établir une gestion des connaissances et de participer à la diffusion de la perception du risque sur son territoire.
Mettre le citoyen au cœur du réseau d’information, par le biais du volontariat, est une réelle avancée dans l’information et le développement d’une culture du risque favorisant les actions citoyennes et poussant favorablement l’établissement des réserves communales.
Discussion
Face aux processus en cours et à la volonté des acteurs à développer des outils de plus en plus opérationnels et interactifs, il est essentiel de prendre en compte de nouveaux procédés dans la gestion des risques et des crises. La cartographie se doit d’être abordable et interactive et d’offrir de plus en plus une représentation en quasi temps réel. Elle ne doit plus se limiter à des scénarii préétablis qui peuvent être biaisés par différents facteurs. Elle doit même offrir les possibilités d’effets aléatoires, dominos, sur un territoire donné et s’étendre à des échelles plus importantes. À l’image de la table tangible, le jeu des représentations est important. En y intégrant les données qui affluent sur le terrain par les réseaux mobiles (téléphones, géolocalisation, etc.) il devient alors une plateforme mouvante et vivante et permet d’anticiper les événements.
L’importance de ces réseaux par le biais des plateformes connectées permet une source importante d’information qu’il est possible de canaliser pour augmenter la réactivité des actions menées sur le terrain. Être citoyen d’une commune, c’est aussi être acteur de sa gestion des risques. Une communication qui fait sa place et émerge par le volontariat et la solidarité citoyenne. Crysis mapping et crowdsourcing sont alors les outils de demain au service des gestionnaires qu’ils soient, privés ou publics.
La volonté d’augmenter l’opérationnalité du plan communal de sauvegarde est alors le vecteur d’une multitude d’intégrations et doit s’étendre à une vision globale pour ne pas laisser place à des éléments qui peuvent amplifier le risque et diminuer la capacité de résilience d’un territoire.
Références
- Donze. J – Le risque : de la recherche à la gestion territorialisée – géocarrefour volume.82/1-2, 2007
- Dunn. M, Giroux. J – La cartographie de crise : le phénomène et son utilité – Humanitaire [en ligne], 30 juillet 2012.
- Leone. F, Vinet. F (sous la direction) – Plans communaux de sauvegarde et outils de gestion de crise – Presse universitaire de la Méditerranée, avril 2015, Montpellier.
- Rosset. P, Bonjour. C, Wyss. M – Communications QLARM, un outil d’aide à la gestion du risque sismique à échelle variable – Communications du Colloque Géorisque de 2011 à Montpellier
No Comments